Comment l’état sanitaire du raisin influe sur chaque étape de la vinification

08/05/2025

Qu’entend-on par l'état sanitaire du raisin ?

L’état sanitaire du raisin fait référence à sa condition physique et biologique à l’instant de la récolte. Un raisin sain est exempt de maladies, de pourriture, de défauts ou de contaminations extérieures (comme des résidus de pesticides). À l’inverse, un raisin malade ou abîmé peut contenir des moisissures, des altérations ou des levures indésirables.

Les altérations possibles : un aperçu

  • Pourriture grise (Botrytis cinerea) : Cette moisissure peut se montrer capricieuse. Si elle s'exprime de manière "noble" — comme dans les vins liquoreux de Sauternes —, elle est une bénédiction. Mais dans un contexte non contrôlé, elle altère gravement les arômes et la structure du vin.
  • Oïdium : Une maladie fongique qui laisse une fine poudre blanche sur les grappes, impactant à la fois le rendement et la qualité aromatique.
  • Mildiou : Responsable de tâches brunâtres et de grappes avortées, ce champignon ravageur affaiblit considérablement les raisins.
  • Baies fendues : Lorsqu'elles éclatent à cause de pluies excessives juste avant la récolte, les raisins deviennent des cibles idéales pour les contaminations bactériennes ou fongiques.

L’objectif du vigneron lors des vendanges est donc d’intervenir au moment optimal, avant que ces maladies ou défauts n’impactent significativement la vendange.

L’impact sur les étapes clés de la vinification

1. Durant la fermentation

La fermentation est l’étape où le raisin devient véritablement vin. Les sucres des baies sont transformés en alcool sous l’action des levures. Si les raisins présentent des contaminations ou pourritures, des levures indésirables peuvent entrer dans la danse, altérant tout le processus.

Quelques exemples d’impacts négatifs :

  • Les levures Brettanomyces produisent des odeurs désagréables décrites comme des arômes de "crin de cheval" ou "phénol", nuisibles à l’équilibre du vin.
  • Les moisissures présentes sur les grappes abîmées peuvent générer des composés comme le métabolite TCA, responsable du fameux goût de bouchon qui gâche parfois une bouteille entière.

En revanche, une vendange saine permet une fermentation maîtrisée, où les levures œnologiques sélectionnées s’expriment pleinement et préservent l’intégrité des arômes du cépage.

2. L'influence sur le profil aromatique

Un raisin sain amplifie la pureté du vin : ses arômes variétaux (fruit, fleurs, épices) émergent sans interférence. Au contraire, les raisins abîmés ou contaminés peuvent donner naissance à des arômes désagréables ou masqués.

Par exemple :

  • Un raisin marqué par la pourriture grise peut transmettre des notes "terreuses" ou "moisis".
  • Le stress hydrique, combiné à des baies abîmées, peut intensifier des saveurs végétales, comme celles du poivron vert dans un cabernet sauvignon.

Comme on le dit souvent : pas de grand vin sans grand raisin.

3. Clarification et stabilisation

Une vendange dégradée rend les étapes de clarification et de stabilisation (foulage, débourbage, soutirage) fastidieuses. Les matières indésirables (moisissures, débris végétaux) peuvent aggraver la turbidité du moût. Résultat ? Le vigneron doit multiplier les opérations pour rectifier le tir, parfois au détriment de la qualité.

Les moyens de préserver un bon état sanitaire

Pour optimiser l’état sanitaire des raisins, de nombreuses techniques peuvent être mises en œuvre, à la fois dans la vigne et au chai.

La prévention dans la vigne

  • Observation rigoureuse : Les vignerons surveillent quotidiennement leurs parcelles pour détecter les premiers signes de maladies.
  • Traitements adaptés : S’ils sont nécessaires, des traitements biologiques ou traditionnels, comme le souffre ou le cuivre contre le mildiou, peuvent être appliqués avec une extrême parcimonie.
  • Travaux d’effeuillage : En retirant quelques feuilles, notamment autour des grappes, on améliore l’aération et limite les risques de moisissures.
  • Éclaircissage : Cette méthode consiste à éliminer les grappes en excès, permettant à la vigne de concentrer ses ressources sur une production qualitative.

La sélection des raisins après la vendange

Une fois récoltées, les baies passent souvent sous un contrôle drastique. Certains domaines disposent de tables de tri optiques, qui permettent d’éliminer les raisins abîmés ou contaminés grâce à la technologie. Par ailleurs, de nombreuses propriétés mènent encore cette étape manuellement, ornant leurs vendanges d’une précision artisanale.

Une anecdote à méditer

Un vigneron célèbre de la région du Médoc m’a confié un jour un souvenir frappant. Lors d’une année marquée par de fortes pluies en septembre, il avait hésité à vendanger sous un ciel encore menaçant. En retardant la récolte de quelques jours pour attendre un retour au soleil, certaines parcelles avaient généré des raisins légèrement « défaits » par la pourriture grise. Une fois en cave, ces grappes ont demandé un tri colossal et une attention sans faille lors de la vinification. Pourtant, face à toutes ces difficultés, le millésime final fut surprenant. Cet épisode illustre merveilleusement bien une vérité simple : l’état sanitaire ne sera jamais parfait à 100 %, mais l’art de la vinification réside aussi dans l’adaptation et la lecture du millésime.

Comprendre pour mieux savourer

Les défis de l’état sanitaire du raisin ne sont pas toujours portés à la connaissance du consommateur, et pourtant, chaque millésime porte en lui l’histoire qui commence à la vigne. Le soin, l’attention et les décisions prises par le vigneron façonnent le vin bien avant qu’il n’arrive en cave.

Alors, lorsque vous dégustez votre prochain verre de vin, prenez un moment pour vous connecter à cet univers. Derrière chaque arôme, chaque texture, se cache un travail minutieux, où l’état sanitaire du raisin a certainement joué un rôle clé. C’est là toute la beauté du vin : un produit vivant, qui raconte, en silence, le chemin parcouru.

En savoir plus à ce sujet :