Pourquoi des arômes différents entre indigènes et sélectionnées ?
1. Un départ fermentaire sous influence
Les premiers jours de la fermentation sont déterminants. Les souches indigènes forment d’abord un écosystème foisonnant (non-Saccharomyces), puis, petit à petit, Saccharomyces cerevisiae prend le relais pour terminer la transformation du sucre en alcool. Chez les levures sélectionnées, tout démarre sous la domination d’une seule souche, ce qui limite la variété des précurseurs aromatiques libérés lors des premiers stades.
2. La palette d’enzymes, clé des saveurs
Les levures possèdent des enzymes différentes, capables de “libérer” des arômes précurseurs (glycosides, composés soufrés, terpénoïdes) présents dans la pulpe ou la peau du raisin. Les levures indigènes, par leur diversité, multiplient les combinaisons :
- Liberation de thiols dans le Sauvignon par Metschnikowia pulcherrima ou Lachancea thermotolerans
- Production d’esthers fruités, d’alcools floraux selon la flore présente
- Notes originales (épicées, mentholées, parfois animales) apportées par des espèces rares
À l’inverse, les levures sélectionnées sont choisies pour leur efficacité dans la libération d’un type précis d’arômes, et souvent pour leur neutralité, afin de ne pas masquer le cépage.
3. La production d’arômes secondaires
La fermentation n’est pas seulement une “digestion” du sucre en alcool : elle produit toute une palette de composés secondaires. Les levures indigènes génèrent plus de diversité :
- Esthers : Arômes de poire, banane, pomme (via Hanseniaspora et Pichia)
- Acides organiques : Plus ou moins de rondeur, selon la dominante levurienne
- Dérivés soufrés : Capables d’impulser, à faibles doses, une note minérale, silex, voire truffée, recherchée dans certains blancs
4. Le jeu du terroir et de la cave
Les levures indigènes sont, par essence, spécifiques à un lieu. En Bourgogne, par exemple, certains domaines identifient des souches propres à leur chai, sédimentées sur les vieilles charpentes, apportant une touche unique à leurs grands crus (source : “Le microcosme levant de la Bourgogne”, Revue des Œnologues, 2022).
Cette empreinte microbienne sensibilise aujourd’hui une génération entière de vignerons, notamment engagés en agriculture biologique ou en biodynamie : ils voient dans cette diversité levurienne le reflet le plus pur de leur terroir.